jeudi 9 juin 2011

LES CLOCHES DE VRAINCOURT 55120 - rév. 1

L'auteur de ce blog, après une escalade périlleuse, décrypte les textes gravés sur les deux cloches de l'église Saint-Rémi de Vraincourt

Le clocher de l'église Saint-Rémi de Vraincourt abrite deux cloches : 



Cloche Ouest (la plus grosse), 1862

Texte gravé sur deux côtés :

Côté Nord

« J’AI EU POUR PARRAIN MR JEAN NICOLAS GEMINEL REPRESENTÉ PAR MR VICTOR GEMINEL SON PETIT-FILS ET LOUIS ALFRED CHERY REPRESENTÉ PAR MR REMY BERTRAND SON ONCLE ET POUR MARRAINE ANNA AUGUSTINE HENRI ET ELISABETH VAUQUOIS »

Côté Sud

« 1862 – PRODUIT D’UNE SOUSCRIPTION OUVERTE Á VRAINCOURT CETTE CLOCHE A ÉTÉ BÉNIE PAR MR RENÉ VAUTRIN CURÉ DOYEN DE CLERMONT SOUS L’INVOCATION DE ST JEAN ET STE ANNE »
« Coulé par Farnier, Fondeur à Mont-par-Dun (Meuse) »

La cloche la plus ancienne est donc due au doyen Vautrin qui fit installer le carillon à cinq cloches dans l'église Saint-Didier de Clermont en 1860 et qui finit par ébranler sa tour carrée qu'il fallut démolir deux ans après.



Cloche Est (la plus petite), 1928

Texte gravé en haut autour :

« D’ÂME ET DE CORPS JE REMPLACE MA SŒUR BLESSÉE À MORT PAR UN OBUS ALLEMAND PENDANT LA GRANDE GUERRE 1914-1918 – JE M’APPELLE ANTONINE CHARLOTTE – PARRAIN VICOMTE D’ANTHOUARD – MARRAINE VICOMTESSE A. D’ANTHOUARD – ABBÉ DOMANGE CURÉ-DOYEN – N. GILLE MAIRE 1928 »
« Coulé par Georges Farnier à Robécourt (Vosges) »

Cette cloche avait été brisée lors du bombardement du 20 mars 1916 qui détruisit le clocher et ouvrit une brèche dans le mur sud au court d’un office. Elle est partie aux Etats-Unis dans le cadre d’une exposition itinérante sur la guerre 1914-1918, destinée aux peuple américain. Elle est ensuite revenue à Vraincourt pour être recoulée par la fonderie Farnier et réinstallée dans le nouveau clocher en 1928. Elle est connue pour être la cloche deux fois bénite ! Le parrain et la marraine sont mes grands-parents maternels.

Elle avait déjà été refondue en 1753 et portait alors l'inscription : "AU NOM DE LA TRÈS STE TRINITÉ EN L’ANNÉE 1753 J'AY ÉTÉ BENITTE PAR ME JEAN HUMBERT PRETTE CURE DE VRAINCOURT, J'AY ÉTÉ NOMMÉE LOUISE PAR MESSIRE JEAN IGNACE SAILLET ÉCUYER CAPITAINE AU RÉGIMENT DE TALASINE, LIEUTENANT DES MARÉCHAUX DE FRANCE ET SEIGNEUR DE JUBECOURT ET VRAINCOURT, ET PAR DAME LOUISE SON ÉPOUSE; QUE NOS SONS SOIENT TOUJOURS LA TERREUR DES DÉMONS". La même avait auparavant l'inscription en lettres gothiques : "JE FEU FAIT L'AN MILLE [illisible] ET VINT SET".

Un peu d’histoire des seintiers

Selon la tradition, Saint Paulin (353 - 431), Evêque de Nole (Italie, Campanie), introduisit l'usage des cloches dans les églises chrétiennes et leur sacralisation. A la fin du 7ème siècle, ces cloches, de petites tailles, étaient fondues sur place, à proximité des églises et monastères, par les fondeurs de cloches, artistes itinérants, appelés « clochetiaux » en Lorraine et ailleurs  « seintiers » (du latin médiéval 'sein' qui voulait dire cloche; d'où le mot tocsein : toque sein) . Les premiers clochers apparurent au 9ème siècle en Italie et se répandirent au début du 12ème, d'abord véritables tours protectrices indépendantes de l'église, souvent élément de la fortification du château médiéval. La plus vieille cloche de France encore conservée, la cloche de Fontenaille, fut coulée par un fondeur itinérant en 1202. Avec le développement du chemin de fer, les Seintiers construiront des fonderies et cesseront de se déplacer au 19ème siècle. Avant la première guerre mondiale, la France possédait plus de cent ateliers de fondeurs de cloches, notamment la fonderie Farnier installée en Meuse puis dans les Vosges (Robécourt, ancienne fonderie classée Monument Historique), qui a coulé les cloches de Vraincourt. Aujourd'hui, seules trois fonderies de cloches françaises perdurent.

Pour en savoir davantage :
Clermont-en-Argonne, les cloches de l'église Saint-Didier. Hubert Philippe (auteur éditeur), Clermont-en-Argonne, 2012 (31 p.)

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